Séminaire du Studio droit/digital

  • Séminaire
  • 12 avril 2024
  • 14h-16h

La vidéosurveillance algorithmique comme performance, discours et imaginaires : le cas des JOP 2024
Faculté de Droit / Campus Issy-les-Moulineaux
25 Rue Gabriel Péri
Salle du Conseil – 2e étage

12
avril
La vidéosurveillance algorithmique comme performance, discours et imaginaires.
Le cas des Jeux Olympiques de Paris 2024

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (JOP 2024) offrent un terrain d’étude particulièrement intéressant pour analyser les discours sur la sécurité urbaine et les risques des solutions basés davantage sur des technologies de surveillance. L’usage expérimental de technologies de vidéosurveillance algorithmique (VSA) et le traitement automatique d’images par l’intelligence artificielle (IA) visent à détecter des mouvements potentiellement dangereux, anticiper et neutraliser les risques tels que les mouvements de foules, les bagages abandonnés ou de potentielles actions terroristes. La mise en œuvre de ces technologies introduirait également des risques en matière de respect de la vie privée, notamment par la généralisation et la pérennisation de ces types de pratiques de surveillance.

En adoptant une approche discursive de l’études des problèmes publics, nous partons du principe que les discours sont le produit et les résultats des activités, des pratiques routinières et des stratégies d’un certain nombre d’acteurs sociaux qui sont intéressés, à divers titres, par la manière dont le problème est façonné (Neveu et Quéré, 1996). Autrement dit, la publicisation du problème dans la scène médiatique implique une mise en forme et une mise en scène. Dans ce cadre, nous avançons l’hypothèse selon laquelle la presse traite davantage des risques et potentiels de l’usage généralisé de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) que de sa réelle efficacité. Cela est particulièrement visible sous forme d’un récit de spéculation qui anticipe les dérives ou les bienfaits des technologies toutes puissantes au lieu de pointer les limites des caméras de vidéosurveillance. La surveillance, ne relèverait- elle, donc pas avant tout d’« une performance discursive » ? Autrement dit, elle sert à construire davantage des imaginaires, autour de la sécurité et du “zéro risque”.

Pour vérifier cette hypothèse, nous avons analysé un corpus de presse extrait de la base de données Europresse, sélectionnées par mots-clés : « JO 2024 », « Jeux olympiques (Paris) 2024 » et « caméra(s) ». Cela nous a permis d’obtenir un corpus de référence composé d’environ 300 articles. L’étude montre que la publicisation du problème dans la presse aborde davantage les risques des dérives de l’usage généralisé de telles technologies. En ce sens, nous identifions dans le discours de la presse des tentatives des groupes de dénonciateurs pour « fabriquer » un public et construire une légitimité (Badouard et Mabi, 2015). Les défenseurs des libertés individuelles et de la vie privée, tels que des acteurs de la CNIL et de la Quadrature du Net soulignent les risques d’accoutumance de la population ainsi que l’instauration d’une surveillance généralisée. Ceci est davantage éclipsé dans un récit médiatique qui ne finit jamais par faire débat, du moment où l’efficacité des technologies est constamment citée (par la référence à des acteurs politiques) mais n’est nullement remise en question. Cela confirme que les JOP 2024 sont l’occasion pour le gouvernement français de promouvoir sa politique sécuritaire basée sur le déploiement de technologies de surveillance. Il s’agirait d’une sorte de « vitrine sécuritaire » (Bennett et Haggerty 2011) dont la France cherche à démontrer son expertise en tant que leader mondial des technologies de sécurité est soutenue par les forces de l’ordre, les industriels de la sécurité et certains élus locaux (Picaud, 2021 ; Rigouste, 2023).

Intervenants

Camila Perez Lagos est enseignante-chercheuse à l’Institut des Stratégies et Techniques de Communication (ISTC) et chercheuse à ETHICS EA 7446 (Université Catholique de Lille) – CEThicS. Après avoir étudié la communication numérique des théâtres financés par l’État en France et au Chili (recherche doctorale 2012-2016), elle s’intéresse depuis 2017 à la surveillance en régime numérique, compris comme un problème public. Ses derniers travaux portent sur le scandale Cambridge Analytica et ses conséquences sur la façon dont l’opinion publique traite des questions relatives aux données personnelles et à la vie privée en ligne

Mehdi Ghassemi est enseignant-chercheur à l’Institut des Stratégies et Techniques de Communication (ISTC) et chercheur à ETHICS EA 7446 (Université Catholique de Lille) – CEThicS. Il étudie le lien entre le regard et le pouvoir au sein des cultures visuelles contemporaines, notamment, les manières dont le regard « surveillanciel » est normalisé, interrogé, ou résisté dans divers produits de la culture populaire, mais aussi dans des expériences artistiques qui traitent de la surveillance comme objet de représentation (surveillance art).

Discutante

Caroline Delabre est doctorante au Centre de Recherche sur les Relations entre les Risques et le Droit (C3RD), laboratoire de la Faculté de Droit de l’Université Catholique de Lille, rattaché à l’École doctorale de l’Université Polytechnique Hauts-de-France.

Sujet de thèse : « Des usages du numérique dans l’Administration »

Elle réalise une thèse en droit public, plus précisément en droit administratif, avec une composante en droit du numérique sous le prisme des risques que suscitent ces nouveaux usages pour les administrés et le service public de manière générale.

Lien ZOOM : https://lacatholille-fr.zoom.us/j/82662043775?pwd=Y3BscjB4b0VabHNLNHpQcHMvTXk2QT09

Contact : Delphine Dogot / delphine.dogot@univ-catholille.fr